Robert Heinecken est une des figures majeures de la scène artistique de Los Angeles dans la période de l’après-guerre, pionnier de la photographie expérimentale dont les œuvres photographiques ont marqué les années 1960 à 1990. Pourtant, Heinecken n’est pas un photographe à proprement parler, se décrivant lui-même comme un « para-photographe » ; son travail effectué autour du médium photographique a été produit, la plupart du temps, sans qu’il n’utilise aucun appareil photo.
Il définit son travail comme se situant à côté, ou au-delà, de la définition traditionnelle de la photographie. Ses travaux, fondés sur la photographie et la réutilisation du matériel photographique, questionnent sa nature, et la définition de sa perception en tant que médium artistique. Il fournit ainsi une exploration avant-gardiste de la possibilité d’appropriation de ce médium, ainsi que des limites des catégories artistiques. Inspiré par les avant-gardes européennes comme Dada et Duchamp, il en garde le caractère ambigu entre sérieux et humour, absurdité et chaos. Il reste pourtant profondément américain : son thème de prédilection est l’Amérique consumériste et son obsession du sexe, de la violence, de la guerre, et de la télévision, exprimés par exemple dans la série Lessons in Posing Subjects (1981), ou celle de T.V. Network Newswomen Corresponding: Barbara Walters/Faith Daniels (1968). Obsédé par la culture populaire et ses effets sociétaux, il travaille ainsi à partir de matières premières diverses : magazines emblématiques tels que le Times, livres, ou encore photographies pornographiques vendues par correspondance sous forme de négatifs.
Dans son travail de recyclage de la culture populaire et commerciale, où chaque page de magazine est une fenêtre sur le monde de symboles et de signes qu’est l’iconographie du mass media, il se compare à un journaliste documentaire, « la distinction peut être faite pourtant que ces images ne représentent pas des expériences de première main, mais sont liées à des expériences peut-être plus importantes socialement, expériences manufacturées qui sont créées chaque jour par les mass-medias. » Chaque image trouvée est ainsi le reflet de cette culture au sens large, guidée par le consumérisme, le sexe, le désir et la violence ; « je suis intéressé par les moyens variés par lesquels les images photographiques transcendent leur relation à l’actualité. »
Son travail, tant du fait de cette matière première que du message qu’il y transmet, est très provocateur, fournissant une analyse choquante de la société dans laquelle il vit, comme dans Periodical #5 où une photographie d’un soldat vietnamien, souriant largement en tenant deux têtes ennemies coupées, est sérigraphié sur toutes les pages d’un magazine ensuite remis en circulation. De même, le nu féminin est un motif récurrent dans toute son œuvre, dans une approche anti-formaliste de ce motif classique. Dès ses premiers travaux, il se positionne ainsi à l’opposé d’une photographie raffinée, produisant des forts contrastes, des flous, des images inversées, obscurcies, sur ou sous exposées. Photographe autodidacte, il jouit d’une grande liberté d’expérimentation, travaillant sur tous les aspects du médium, notamment son utilisation amateur, l’incorporation du texte comme élément majeur, la mise en avant du caractère reproductible ou la question de l’échelle. À travers des questions esthétiques et conceptuelles, il dématérialise l’objet d’art, et produit des œuvres au caractère participatif, voire performatif fort. Pour lui, « une photographie n’est pas une image de quelque chose, mais un objet à propos de quelque chose. » Son utilisation très libre d’images trouvées remet en question la surenchère de la création d’images dans le paysage médiatique. Porté par son insatiable questionnement de l’objet photographique, confiant et concentré sur ses recherches, Heinecken est un artiste très prolifique. Il joue de la reproduction, de la manipulation, de la variation, de la pluralité et de la matérialité de l’image, la recyclant et la retravaillant sans cesse.
Robert Heinecken est né en 1931 à Denver, et a grandi en Californie. En 1954 il rejoint la Navy en tant que pilote de chasse, puis dans la Marine comme officier. En 1957 il reprend ses études supérieures à UCLA (Université de Californie à Los Angeles), où il étudie notamment la gravure et le design typographique. En 1964, il sera le fondateur du département de photographie de l’Université de Californie à Los Angeles, dans laquelle il enseignera pendant plus de trente ans, avant de s’éteindre en 2006 à Albuquerque, New Mexico. Récemment, ses œuvres ont été exposées au Gallery MIN (Tokyo, 1990), Museum of Contemporary Art (Chicago, 1999), Les Rencontres (Arles, 2000), Los Angeles County Museum of Art (Los Angeles, 1999), Smart Museum of Art (Chicago 2006), Hammer Museum (Los Angeles, 2006), Museum of Contemporary Photography (Chicago, 2007), Armory Center for the Arts (Pasadena, 2011), Center for Creative Photography (Tucson, 2003 - 2012), Musée d’Art Moderne et Contemporain (Geneva, 2013), Museum of Modern Art (New York, 2014), WIELS Centre d’Art Contemporain (Bruxelles, 2014), Hammer Museum (Los Angeles, 2015), Museu da Imagem e de Som (Sao Paulo, 2015), Palm Springs Art Museum (2015), Walker Art Center (Minneapolis, 2016).
Ses oeuvres sont conservées dans de nombreuses collections publiques, telles que le Museum of Modern Art (New York), Whitney Museum of American Art (New York), Museum of Contemporary Art (Chicago), Museum of Contemporary Art (Los Angeles), Art Institute (Chicago), Center for Creative Photography (Tucson University), Denver Art Museum, George Eastman House (Rochester), International Center for Photography (New York), Museum of Contemporary Photography (Chicago), Metropolitan Museum (New York), Museum of Fine Arts (Houston), Hammer Museum (Los Angeles).
Robert Heinecken is one of the main figures of Los Angeles post-war art, pioneer of experimental photography from the early 1960s to the 1990s. However, Heinecken is not strictly speaking a photographer, defining himself more like a “para photographer”; his work about the photographic medium was mostly produced without the use of a camera.
He defines his work as being beside, or beyond, the traditional definition of photography. His photography-based works and his reuse of photographic material, question the nature and definition of photography as an artistic medium. He proposes then a prescient exploration of the possibility of appropriation of this medium, and questions the limits of its artistic categories. Inspired by European avant-garde like Dada or Duchamp, he shares with them an ambiguity, between seriousness and humour, absurdity and chaos. Yet he remains profoundly American : his main theme is America’s consumerism, and its obsession of sex, violence, war and TV, expressed for example in the series “Lessons in Posing Subjects” (1981), or “TV Network Newswomen Corresponding: Barbara Walters/Faith Daniels” (1968). Obsessed by popular culture and its social effects, he thus works from diverse raw material : emblematic magazines such as “the Times”, books, or pornographic images sold as negatives to print at home.
In his recycling of popular and commercial culture, where every magazine’s page is a window open on a world of symbols and signs defining mass media’s iconography, he compares himself to a documentary journalist, “The distinction may be drawn, however, that these pictures do not represent first hand experiences, but are related to the perhaps more socially important manufactured experiences which are being created daily by mass media”. Each found image is then the mirror of this culture at large, driven by consumerism, sex, desire and violence; “I am interested in the various ways that photographic images transcend their relationship to actuality.”
His work, thanks to this raw materials and thanks to the message it conveys, is very provocative, providing a shocking analysis of the society he lives in, as in “Periodical #5” where a photograph of a Viet Cong soldier, widely smiling while holding two enemies’ heads chopped off, is printed on every page of a magazine then put back into circulation. Similarly, female nude is a recurrent motive in his oeuvre, in an anti-formalist approach to that classical motive. As soon as his first works he stands at the opposite of fine photography, producing high contrasted, blurred, reversed, obscured, under or over-exposed images. Self-taught photographer, he has a great freedom of experimentation, working on all aspects of the medium : his amateur use, the incorporation of text as a major component, the celebration of the reproductive qualities, experimentations with scale. Through aesthetic and conceptual questions, he dematerializes the art object, and produces works of strong participative and performative character. For him, “The photograph is not a picture of, but an object about something. “ His very free use of found images questions the excesses of created images in the media landscape. Driven by his insatiable questions on photographic objects, confident and focused on his research, Heinecken is a prolific artist, playing with reproduction, manipulation, variation, plurality and materiality of the image, recycling and reworking it again and again.
Robert Heinecken was born in 1931 in Denver, and grew up in California. In 1954, he joins the Navy as a fighter pilot, then works in the Marines as an officer. In 1957 he takes over his studies at UCLA, where he studies printmaking and typographic design. In 1964, he founded the photography department at UCLA, where he worked as a teacher for more than thirty years, before passing away in 2006 in Albuquerque, New Mexico. Recently, his works were exhibited in Gallery MIN (Tokyo, 1990), Museum of Contemporary Art (Chicago, 1999), Les Rencontres (Arles, 2000), Los Angeles County Museum of Art (Los Angeles, 1999), Smart Museum of Art (Chicago 2006), Hammer Museum (Los Angeles, 2006), Museum of Contemporary Photography (Chicago, 2007), Armory Center for the Arts (Pasadena, 2011), Center for Creative Photography (Tucson, 2003 - 2012), Musée d’Art Moderne et Contemporain (Geneva, 2013), Museum of Modern Art (New York, 2014), WIELS Centre d’Art Contemporain (Bruxelles, 2014), Hammer Museum (Los Angeles, 2015), Museu da Imagem e de Som (Sao Paulo, 2015), Palm Springs Art Museum (2015), Walker Art Center (Minneapolis, 2016).
His works are in numerous public collections, such as the Museum of Modern Art (New York), Whitney Museum of American Art (New York), Museum of Contemporary Art (Chicago), Museum of Contemporary Art (Los Angeles), Art Institute (Chicago), Center for Creative Photography (Tucson University), Denver Art Museum, George Eastman House (Rochester), International Center for Photography (New York), Museum of Contemporary Photography (Chicago), Metropolitan Museum (New York), Museum of Fine Arts (Houston), Hammer Museum (Los Angeles).