Eugène Atget est l’un des grands noms de l’histoire de la photographie, dont les images sont autant le reflet de son temps que de sa personnalité mystérieuse. L’artiste, solitaire et déterminé, a travaillé pendant plus de trente ans au service de Paris et de sa mémoire, entièrement dévoué à son art. La simplicité et la clarté de sa vision et de son projet, servis par sa détermination sans faille, ont produit des images d’une grande pureté et d’une intensité qui hante le souvenir du spectateur, à l’image de la très fameuse porte du Cabaret de l’Enfer. A travers des milliers de négatifs, il dresse un portrait atypique de Paris et ses environs, capturant ses changements urbains. A la fois éloquent et plein de charme et de sensibilité, la poésie de ce portrait moderne transcende son sujet documentaire.
Atget montre peu d’intérêt pour les photographies de personnes, et se concentre très vite sur les sujets qui feront sa renommée posthume : architecture, vues des différentes villes de France, parcs et jardins, paysages des quais de Seine, anciennes boutiques, petits métiers ambulants et habitudes des citadins, mais également gros plans de natures mortes, ferronneries, décorations, mobilier et costumes religieux, intérieurs, animaux et végétaux. Il s’attèlera également à dépeindre des ambiances particulières, liées à des sites précis du nord et de l’est de Paris, mais également en suivant les traces de Camille Corot sur les lieux qui ont inspirés le peintre. Atget est surtout connu aujourd’hui pour ses séries sur la Topographie du Vieux Paris – prise de vue systématique des rues de chaque arrondissement, et de l’Art dans le Vieux Paris – avec des façades, porches, portes, cours et escaliers qui retranscrivent l’histoire de la ville.
Si les thèmes semblent de prime abord éclectiques, tous sont régis par la même volonté, patiente et consciencieuse, de rendre compte d’un monde qui déjà disparait, s’estompe et s’efface, remplacé par un univers de modernité, où le métro et les grands magasins sont rois. Véritable force tranquille dans son travail, Atget a travaillé en rupture avec ses contemporains, utilisant un matériel obsolète, ne prônant ni l’expérimentation ni la théorisation du médium, et ne s’intégrant à aucun groupe ou mouvement artistique. A travers une vision extrêmement personnelle et son désir de garder des traces d’un monde mourant, des fruits de la culture française telle qu’elle a survécu au XIXème siècle, ses images simples, calmes et denses, à la fois mystérieuses et très véridiques, ont marqué l’histoire de la photographie.
En effet, si de son vivant son œuvre n’a pas reçu de retentissement, vendue comme matériel artistique et historique plutôt que comme art, ses séries sur le Vieux Paris sont toutefois achetées par des institutions prestigieuses comme le musée Carnavalet ou la BnF. Sa renommée se développe très tardivement, lorsque dans les années 1920 il rencontre Man Ray, dont l’atelier est à quelque pas du sien. Man Ray découvre alors ses photographies, notamment ses dernières séries de reflets dans des vitrines, dont le caractère à la fois réaliste et onirique marque l’artiste américain au point qu’il publiera plusieurs photographies d’Atget dans La Révolution surréaliste en 1926. Par l’intermédiaire de Man Ray, Bérénice Abbott découvrira également son travail, qu’elle collectionne et diffusera après sa mort, en tirant de nombreux négatifs. La postérité d’Eugène Atget, aujourd’hui considéré comme un artiste fondamental de l’histoire de la photographie, est due en très grande partie au travail de reconnaissance et de promotion fait par Bérénice Abbott, notamment via des expositions et des publications. La grande originalité de son travail, son don pour transformer le quotidien et l’ordinaire en art, ont ainsi marqué les générations suivantes, et des photographes comme Walker Evans ou Bill Brandt ont souligné son influence dans leur propre pratique photographique.
Né à Libourne en 1857, Eugène Atget est d’abord mousse pour la marine marchande, avant de tenter une carrière artistique à Paris. Il s’essaye au théâtre, puis à la peinture et à la photographie vers 1888. Ses travaux photographiques sont avant tout des « documents pour artistes », modèles de natures mortes, paysages ou scènes vendues auprès des peintres pour aider à leurs compositions picturales. En 1898, dans la lignée de la Commission du Vieux Paris, qui tente de garder des traces de vieux bâtiments amenés à disparaitre du fait des nouveaux plans urbains, Atget produira des milliers de photographies, témoignant de bâtiments et quartiers, mais aussi de petits métiers traditionnels. Il classe ses productions en séries et albums parfaitement organisés, destinés à être reliés et vendus. Il continuera ce travail systématique jusqu’à sa disparition en 1927. Récemment, son travail a été exposé au Musée de l’Ile-de-France (Orangerie du Château de Sceaux, 1991), Bibliothèque Nationale de France (Paris, 2007), Fotomuseum Winterthur (Switzerland, 2008), Fundación Mapfre (Madrid, 2011), Musée Carnavalet (Paris, 2012), Nederlands Fotomuseum (Rotterdam, 2012), Art Gallery of New South Wales (Sidney, 2012).
Son œuvre est conservée dans les collections du Musée Carnavalet (Paris), George Eastman House (Rochester), Fundación Mapfre (Madrid), Museum of Modern art (New York), Bibliothèque des Arts Décoratifs (Paris), National Gallery of Art (Washington D.C.), Bibliothèque Nationale de France (Paris).
Eugene Atget is one of the main names of photography’s history, whose images are the reflect of both his time and his mysterious personality. The artist, solitary and determined, entirely devoted to his art, worked tirelessly for more than 30 years, at the service of Paris and its memory. The simplicity and clarity of his vision and project produced images of great purity, and whose intensity haunts the viewer, just like in the very famous image of the door of the Cabaret de l’Enfer. Through thousands of negatives, he draws an atypical portrait of Paris and its surroundings, capturing the urban changes. Together eloquent, quiet and sensitive, the poetry of this modern portrait transcends the documentary subject.
Atget shows little interest for photographs of people, and soon concentrates on the subjects which would made his posthumous renown : architecture, views of different French cities, gardens, landscapes of the Seine, old shops, old itinerant trades, city dwellers’ habits, as well as close-ups shots of still lives, ironwork, decorations, religious costume and furniture, interiors, animals and plants. He would also depict some peculiar atmospheres, linked to precise sites in the north and east of Paris, but also by following Camille Corot’s footsteps in places that inspired the painter. Atget is mostly famous today for his series about the Topography of the Old Paris – systematic shots of the streets of every arrondissement, and for Art in the Old Paris – with façades, porches, doors, courtyard and staircases that transcript the history of the city.
If the themes seem at first to be eclectic, they are all governed by the same patient and conscientious will to report on a world already vanishing, threatened by a realm of modernity, where subway and department stores are the new standards. Of true calm strength in his work, Atget works detached from his contemporaries, using obsolete materials, and advocating neither experimentation nor theorization of the medium, integrating himself to no group or artistic movement. Through a highly personal vision and his desire to keep some traces of a dying world, of the fruits of French culture as it survived to the 19th century, his simple and dense images, both mysterious and true, imprinted photography’s history.
Indeed, if he never received alive recognition, his photographs being sold as artistic and historic material, his series of the Old Paris still got bought by prestigious institutions such as the Musée Carnavalet and the BnF. His renown developed belatedly, when in the 1920’s he meets Man Ray, whose studio is next to his. Man Ray then discovers his photographs, notably the last series of reflections in window displays, whose dreamlike and realistic character attracted him to the point he published several of Atget’s photographs in La Révolution Surréaliste in 1926. Berenice Abbott also discovered his work, collected it and broadcasted it after his death, printing numerous negatives. Eugene Atget’s posterity, today considered a fundamental artist in photography’s history, is mostly due to Berenice Abbott promotion, notably through exhibitions and publications. The great majority of his work, his gift to transform the ordinary in art, have thus marked following generations, and photographers such as Walker Evans and Bill Brandt underlined his influence in their own work.
Born in Libourne (near Bordeaux, France) in 1857, Eugene Atget works first as a sailor, before an artistic carrier in Paris. After working as an actor, he began painting and photography around 1888. His first photographic works are “documents for artists”, models of still lives, landscapes, or sceneries sold to painters to help them composing their works. In 1898, in the line of the Commission du Vieux Paris, which endeavours to keep some images of old buildings doomed to disappear due to the modern urbanism, Atget produced around ten thousands photographs, testimonies of buildings and Parisian areas, as well as traditional jobs. He classifies his production in series and albums perfectly organized, intended to be sold. He will continue this work systematically until his death in 1927. Recently, his work has been displayed in exhibitions in the Musée de l’Ile-de-France (Orangerie du Château de Sceaux, 1991), Bibliothèque Nationale de France (Paris, 2007), Fotomuseum Winterthur (Switzerland, 2008), Fundación Mapfre (Madrid, 2011), Musée Carnavalet (Paris, 2012), Nederlands Fotomuseum (Rotterdam, 2012), Art Gallery of New South Wales (Sidney, 2012).
His photographs and the negatives have been collected by institutions such as the Musée Carnavalet (Paris), George Eastman House (Rochester), Fundación Mapfre (Madrid), Museum of Modern art (New York), Bibliothèque des Arts Décoratifs (Paris), National Gallery of Art (Washington D.C.), Bibliothèque Nationale de France (Paris).