Luigi Ghirri a marqué ses contemporains dès la publication de son premier ouvrage Kodachrome, publié en 1978. Véritable manifeste de l’avant-garde conceptuelle, Kodachrome pose les fondements de la recherche photographique de Ghirri ; interrogeant la pratique photographique de ses contemporains et questionnant le sens authentique de « l’énigme photographique » qui conjugue « illusions et réalité […] savoir adulte et monde des fables de notre enfance. »
Luigi Ghirri considère que la photographie, par son indétermination, et en gommant l’espace qui entoure le cadre, permet de rendre tout son sens au réel, en questionnant la notion de signe (ou hiéroglyphe). Son travail ainsi « consiste à voir clairement ». En effet, « Comment peut-on encore désirer la connaissance et quel chemin faut-il emprunter pour pouvoir enfin faire la distinction entre l’identité de l’homme, des choses, de la vie, et l’image de l’homme, l’image des choses, l’image de la vie ? Tel est le sens de mon travail » (préface de Kodachrome). Voir chaque chose apparemment insipide et insignifiante, voir tout ce qui a déjà été vu, et l’observer comme si c’était la première fois, tel est le sens intrinsèque de l’œuvre de Ghirri. Il écrira ainsi, à propos de la Via Emilia et de sa région natale de l’Emilie Romagne, qu’il a beaucoup photographiée, « La photographie peut se mettre en relation avec ces lieux avec une lucidité accrue [ et ] sans se départir de cette lucidité, réussir à s’émerveiller, ou à s’étonner, comme si nous regardions ce territoire débordant d’histoires, de signes de souvenirs, pour la première fois. »
Flâneur baudelairien s’efforçant de ne pas s’enfermer dans un genre ou un style défini, questionnant sans cesse le langage photographique, Luigi Ghirri a ainsi produit une œuvre éclectique et prolixe, où chaque série se distingue non pas par son seul sujet, mais par l’idée même derrière chaque image. Il réveille ainsi son spectateur, maniant une esthétique de la surprise et de l’inattendu, à la fois ironique et mélancolique, et mêlant réalité et onirisme, minimalisme et réflexion métaphysique sur la fiabilité du regard face à l’étrangeté du réel. S’intéressant aux « territoires de la mémoire », aux objets mémoriels qui mettent en lumière la réalité comme vaste narration, il crée une cartographie imaginaire de lieux silencieux et immobiles. S’identifiant et admirant le travail de Walker Evans, il sera lui-même une source d’inspiration pour des artistes comme Cindy Sherman et toute une génération de photographes conceptuels.
Né en 1943 à Scandiano, sa formation de géométrie et de dessin architectural influence la vision photographique que Ghirri développe à partir de 1970, en se concentrant sur les paysages urbains. S’il a publié plusieurs ouvrages et exposé dans de nombreuses galeries avant sa mort prématurée en 1992, après sa disparition son travail acquiert une reconnaissance totale. En 1997, une grande rétrospective est organisée par la galerie municipale du Château d’Eau de Toulouse, puis son travail a été récemment exposé au Musée Matisse, Nice (1994), à la Galeria d’Arte Moderna, Bologna (2005), à l’Aperture Foundation, New York (2008), au Museo d’Arte Contemporanea, Castello di Rivoli, Turin (2012), la Fondation MAXXI, Rome (2013), enfin au Palazzo della Ragione Fotografia, Milan (2015) et à la Matthew Marks Gallery, New York (2013-2016).
Ses œuvres sont conservées dans les collections de plusieurs institutions éminentes, telles que le Stedelijk Museum (Amsterdam), Museum of Fine Arts (Houston), Canadian Centre for Architecture (Montréal), Museum of Modern Art (New York), Bibliothèque nationale de France (Paris), Fotomuseum (Winterthur).
Luigi Ghirri’s photographs have stroke his contemporaries when he self-published his first book Kodachrome in 1978. Manifesto in the matter of conceptual avant-garde, Kodachrome sets the fundamentals of Ghirri’s photographic research ; he thus examines and questions his contemporaries’ photographic practice, and ponders the authentic meaning of what he calls the “photographic enigma”, which combines “illusions and reality, [...] adult awareness with the fairy-tale world of childhood”.
Luigi Ghirri considers that photography through its indetermination, and while erasing the space around the frame, enables to restore the very meaning of reality, questioning the notion of signs (hieroglyphs) used to define objects. His work, then “consists in seeing clearly”. Indeed, “The meaning that I am trying to render through my work is a verification of how it is still possible to desire and face a path of knowledge, to be able finally to distinguish the precise identity of man, things, life, from the image of man, things, and life” (Preface of Kodachrome). To see each apparently insignificant thing, to see everything that has been seen already, and to observe it as if for the first time, this is the true intrinsic direction in Ghirri’s work. He hence wrote about his native Reggia Emilia, which he numerously photographed “ Photography can relate to these places with an enhanced lucidity, [and] without getting rid of that lucidity, succeeding in wonder at things, as if we were looking at that territory overflowing of histories, of signs of memories, for the first time.”
Flâneur in the tradition of Baudelaire, who endeavours not to get enclosed in a definite genre or style, questioning restlessly the photographic language, Luigi Ghirri thus produced an eclectic and plentiful oeuvre, where each series is distinct from another not only by the subject matter, but by the whole idea of the whole picture. He revives his spectator’s gaze, masterly handling surprise and unexpected, irony and melancholy, blending real and oneiric, through a minimalist and metaphysical reflection on the reliability of the gaze. His interest for the “territories of the memory” as objects and places that enlighten reality as an extensive narration, leads him to create an imaginary cartography of silent and stationary spaces. He admired and identified to Walker Evans, and would be himself an inspiration for artists such as Cindy Sherman, and a whole generation of conceptual photographers.
Luigi Ghirri was born in 1943 in Scandiano, in Italy. He studied geometry, and his practice of architectural design influenced the photographic vision he developed from 1970 and during the 1980’s, while he photographed urban landscapes. He published several books and exhibited in numerous and important galleries until his untimely death in 1992. Recently, his work has been exhibited in places such as the Musée Matisse (Nice, 1994); Galeria d’Arte Moderna (Bologna, 2005); Aperture Foundation (New-York, 2008); Museo d’Arte Contemporanea, Castello di Rivoli (Turin, 2012); MAXXI Foundation (Rome, 2013), Palazzo della Ragione Fotografia (Milan, 2015), Matthew Marks Gallery (New-York, 2013-2016).
His work can be found in numerous prominent institutions, such as the Stedelijk Museum (Amsterdam), Museum of Fine Arts (Houston), Canadian Centre for Architecture (Montreal), Museum of Modern Art (New York), Bibliothèque nationale de France (Paris), Fotomuseum (Winterthur).